Le no-code et les data-wiki au service de la culture de la collaboration et d’innovation
Le no code dans son approche récente recouvre un spectre large d’outils et d’usages, offrant une capacité de mise en œuvre et de personnalisation simplifiés, allant de la construction d’applications mobiles, en passant par les dispositifs interactifs automatisés ou encore la gestion de bases de connaissances, réunis dans le bien-nommé annuaire nocode.tech
Malgré les risques bien réels d’effet rebond environnemental et d’usine à gaz ouverts par la multiplicité des possibles, le no-code peut devenir un véritable levier d’innovation interne et publique, dès lors qu’il permet un meilleur alignement entre les parties prenantes et démultiplie les capacités créatives collectives en cycles d’essai-erreur courts : centralisation de la donnée et du mode de pensée, systématisation de l’interopérabilité entre les services/actions, gommage des frontières techniques entre les acteurs (conception, réalisation, usage…), notamment dans les phases de lancement de projets.
Cette possibilité s’est incarnée avant d’autres dans le domaine de la cartographie participative et des wiki encyclopédiques ; en proposant des plateformes d’usage et des méthodologies de déploiement de projets collectifs en un temps record et servis par la gestion transparente des données et une auto-organisation très personnalisable.
Ces deux dimensions (bases de données interopérables et de wiki/bases de connaissance ouvertes) rassemblées constituent aujourd’hui l’approche nouvelle des Data-Wiki (Notion, Airtable, NocoDB… jusqu’au récent Microsoft Loop) et représentent probablement la révolution majeure des dernières années en capacité de transformation souveraine des organisations et de “culture de la donnée” (datalitteracy). Elles s’appuient techniquement sur la possibilité de créer des bases de données connectables et proposant plusieurs types de visualisation tout en les intégrant dans un wiki classique multi-utilisateurs.
A Erasme, nous avons identifié et apprivoisé Notion depuis 2 ans, qui a transformé en profondeur nos pratiques autour de plusieurs dimensions :
– La culture d’équipe : un “data-wiki” permet la création de bibliothèques de référence internes, et indirectement la discussion, l’alignement et la mise en visibilité du travail et des compétences de chacun, participant tous deux d’une culture d’équipe renforcée.
– Le prototypage de nouvelles pratiques/organisations : en interconnectant les bases de données accompagnées d’une dynamique d’échange et de documentation. Il est possible d’organiser des modes de faire fluides voire inédits (gestion de projet intégrée à l’échelle d’une équipe, d’un programme d’innovation, d’un dispositif d’incubation...), de définir ou d’améliorer des workflows (veille, gestion de ressources) ou encore de rendre lisibles des temps collectifs et créatifs (mêlée de sprint, REX collectif…).
– La mutualisation et la transversalité externe : en mettant au second plan les questions techniques, des passerelles peuvent se déployer facilement entre les organisations/services afin de créer des espaces de connaissances, tout en reposant sur un référentiel de données unique (pas de saisie en doublon). Ces espaces, facilement créés, réversibles et leurs capacités d’échanges renforcés sont autant d’amorces de nouvelles gouvernances de l’innovation motivées par des approches pragmatiques : partage de l’information, connexion d’opportunités, mutualisation de ressources (contacts, méthodologies…).
– La communication : la création de landing-page ou d’espaces d’échanges destinés à des sponsors ou partenaires est l’une des colonnes vertébrale d’une démarche d’innovation ouverte et de son animation de communauté continue. Les data-wiki, dont notion, n’échappent pas à cette possibilité en permettant très simplement d’ouvrir et de valoriser le contenu, complet ou partiel, ayant fait l’objet d’une curation ou d’une production collective.
– la réplicabilité : la conception et la mise en oeuvre d’outils de travail sur mesure permets dans des temps longs de modéliser des environnements intégrés et réutilisables en tant que "template". Ils représenteront autant de temps gagné et d’affinage par des usages différents qu’ils sont documentés et accompagnés d’un référent au sein du groupe de travail.
Au final, c’est aussi la dataliteracy ("culture de la donnée") de toute une organisation qui s’en trouve accélérée autour de grands principes : source d’information unique, qualité et mise à jour des contenus partagés à d’autres, recherche d’équilibre entre des cadres de référentiels communs et structurants et la recherche de nouveaux usages...
Quelques exemples internes
1. La culture d’équipe… en bibliothèques
La construction de plusieurs catalogues de référence internes a été l’occasion de simplifier et gagner en efficacité sur de nombreux sujets : gestion d’activités, de contacts, de matériel, de tâches, d’événements et prises de notes ou décision… mais aussi de bibliothèques de connaissances et de culture interne (veille, outils, méthodes...).
C’est notamment le cas de la bibliothèque méthodologique qui vient regrouper les éléments d’animation, de canevas, de formation mobilisés et créés par l’équipe depuis de nombreuses années.
Elle intègre des éléments d’animation (canevas), de formation/guides, des kits pratiques, ou principes méthodologiques plus larges. Chaque contenu, qualifié progressivement au fur et à mesure de ses usages est décliné en version "print" et "numérique" pour des pratiques hybrides.
Organisés autour des phases d’activités conduites (diagnostic, problématisation, conception...), cette bibliothèque devient la référence des entrants et sortants de nos méthodes de travail et participe d’une culture commune du design thinking et des méthodes agiles, et de leur amélioration au quotidien.
2. Maquettage d’organisations et pratiques intégrées
En s’appuyant sur les données de référence des bibliothèques, il devient possible de créer et expérimenter des pratiques intégrées de travail et de développement collectifs.
C’est notamment le cas du dispositif d’incubation (accompagnement de 15 porteurs en 2020-2021), qui interconnectant des contenus mutualisés (veille, annuaire, productions, agenda/ressources...) rend visible pour chacun dans son espace projet la partie d’information utile tout en participant à l’alimentation des bases de connaissance globales, visibles dans les espaces ou salons généralistes.
Il utilise par ailleurs les inputs de la bibliothèque méthodologique comme support de production (canevas) ou de formation des porteurs sous le pilotage de leur référent.
L’espace porteur est un ensemble structuré par le déroulé et la construction de son projet, ainsi qu’un outil libre de type Wiki qui peut peut être mobilisé pour son organisation propre ou la communication auprès de la communauté projet grâce à des landing-page préformatées.
Le portail de l’incubation, construit par l’équipe de coordination, peut ainsi évoluer en permanence afin d’être et rester le référentiel de travail et d’échange pour les porteurs, les référents et la coordination à même d’assurer le lien entre tous, en même temps que la nécessaire continuité entre travail présentiel et expériences à distance.
3. Exemple de workflow interne : la veille appliquée
Parmi la structuration de workflows internes cadrant et organisant de manière lisible les parcours d’information et parfois les choix d’équipe, la veille fait partie des travaux les moins évidents.
L’exemple de la veille numérique, a permis, entre autres grâce au Data-Wiki de modéliser une "trajectoire" visant à ancrer chaque étape dans une expérience et une action ciblée pour verser aux communs d’équipe les outils/pratiques retenues :
4. Animation de communauté et landing page externes
C’est enfin le cas d’espaces de communication ou d’échange avec des communautés projet mobilisés dans différents contextes :
- celui d’un site public construit et déployé dans des temps courts autour d’une logique éditoriale complète : exemple, l’initiative parents confinés créée et animée au cours du premier confinement. Plusieurs dispositifs d’incubations mobilisent aussi cette possibilité pour construire et diffuser une information rapide concernant leurs projets.
- le déploiement d’espaces semi-ouverts centrés communauté : en partageant autour de temps évènementiels (ateliers, sprints, meetup...) des portails d’information et d’échanges, la possibilité de développement et de partenariat autour des expérimentations est renforcée. Y sont mobilisés des contenus inspirants / veille, productions collectives réalisées ou résultats d’ateliers, une vision calendaire/territoriale des expérimentations ou bien encore des espaces d’échange et retours d’expérience.
5. Template de travail intégré "organiser et animer un atelier"
L’usage et le parcours répété d’organisation d’un sprint / atelier au sein de nos activités, nous a permis de dégager des invariants et de créer à un environnement de travail "in a nutshell" pour faciliter leur mise en œuvre. Ce cadre est dupliqué avec sa structure de donnée à chaque mise en oeuvre :
– cadrage : objectifs, livrables, gouvernance...
– format et méthodologie
– déroulé minuté
– liste des participants
– lieux
– productions
...
En intégrant par défaut à cet environnement des pages publiques ou partenariales permettant de capitaliser sur les productions et l’annuaire des participants (base de donnée liée), les bonnes pratiques et les outils de travail convergent dans une économie de moyens où le temps des pilotes d’action peut se recentrer sur l’éditorialisation et la production de contenus à valeur ajoutée.
On peut d’ailleurs noter que le modèle économique même des Data-Wiki et notamment de Notion est en train de migrer vers la production des modèles d’organisation et la monétisation de templates.
En démultipliant les possibles d’organisation et de collaboration ouverte, les data-wiki (bientôt probablement opensource) représentent l’un des leviers majeur actuel de la transformation souveraine des organisations et de leur créativité collective.
A l’instar de nouveaux usages propulsés il y a quelques années par les environnements collaboratifs (LivingLab, forges opensource, espaces collaboratifs) ou dédiés à la production (DIY, fablabs...), cette possibilité pour chaque organisation publique de co-curation d’une donnée qualifiée et interopérable permettra probablement d’adresser des enjeux de partage des rôles et d’autonomie, d’objectivation et de transparence interne et externe. Elle représente aussi une synergie et un enjeu d’alimentation mutuelle avec le chantier, très complémentaire, du Self-Data.