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UrbanLab : vers la virtualisation ?

mardi 30 juin 2020

 

UrbanLab : un lieu d’innovation métropolitain sur le chemin de la virtualisation ?

La crise sanitaire du covid-19 nous a immobilisé pendant de très nombreuses semaines mais elle nous a obligé aussi à repenser nos méthodes de travail. L’expansion du télétravail, sa cohorte de petites adaptations et l’utilisation massive de services de discussion instantanée, de visio-conférence, d’espaces de travail numérique, est peut-être l’exemple le plus frappant de la virtualisation, passage d’une technologie matérielle à une technologie numérique, de nos pratiques professionnelles.

Naturellement, pendant cette période, la mise en place d’un atelier créatif ou d’un sprint d’innovation n’était envisageable qu’en ligne. Consciemment ou inconsciemment, poussés par la nécessité sanitaire, nous avons dématérialisé totalement les activités que l’équipe d’ERASME déployait jusqu’alors en présentiel…

Le passage « à distance » demande une adaptation de nos méthodologies, des règles d’animation nouvelles et des outils de support numérique qui s’inscrivent dans le prolongement de notre savoir-faire.
À la faveur du déconfinement, nous pouvons réinvestir l’UrbanLab et beaucoup de nos projets se remettent en route. Cependant la période invite à nous interroger sur l’expérience vécue de la virtualisation, ainsi que sur les bénéfices et les opportunités envisageables.

Augmenter l’expérience immersive

Nous pouvons envisager un lab virtuel comme l’extension du lab réel, plutôt qu’un objet en soi, un « second lab ». Second Life est (a été) un monde « à part » mais les études le montrent, les utilisateurs considèrent plus Second Life comme une extension de leur monde réel que comme un simple jeu vidéo. Au-delà des dérives, il est intéressant d’envisager la puissance d’expérience immersive induite par la réalité virtuelle à travers la constitution de communautés ou regroupement d’intérêts.

De même, pourquoi réduire nos pratiques immersives à ce que l’on peut réellement montrer ? L’exemple de Museotouch, logiciel libre destiné à explorer et manipuler des collections de musées sur tables multitouch ou tablettes tactiles, initié par ERASME, nous éclaire sur le potentiel d’ouverture du champ des possibles introduit par le numérique. La première version de Museotouch, a été conçue pour l’exposition : "le musée des Confluences dévoile ses réserves". Les réserves, invisibles du grand public, sont réintégrées dans l’expérience de visite d’un musée. Le musée exploite l’entièreté de la cohérence et de la profondeur de son fond.

Nous pouvons tirer de cet exemple des enseignements pour l’UrbanLab. ERASME, au fil de ses presque vingt années d’expérience à participer à concevoir des dizaines de prototypes, solutions et dispositifs le plus souvent numériques. Si quelques-uns sont exploités dans le showroom du lab comme éléments d’inspiration ou objets d’expérimentation, la majorité sont retournés à l’état invisible, stockés ou démontés.

Une seconde vie au sein d’un lab virtuel pourrait créer des collaborations nouvelles, des sources d’inspiration inattendues ou des déclinaisons créatives.

Travailler en collaboration comme dans les musées virtuel de Patrick Moya

Encourager la colocalisation*, innover avec tous !

* La colocalisation est l’alignement des satellites géostationnaires en une même position orbitale (Larousse)

Dans les démarches collaboratives et participatives, la distance, la mobilité, la difficulté intériorisée de franchir les portes d’un Lieu d’Innovation, introduisent un biais, réduisent notre capacité à impliquer certaines franges du territoire, certaines « catégories » de la population. L’importance de croiser les profils, les compétences et les intérêts dans les processus créatifs rend la mise en place des temps de collaboration souvent complexes. On peine à rassembler avec diversité.

Des outils en ligne comme MURAL, MIRO et d’autres, permettent l’alignement des participants autour d’un espace de travail et de créativité partagé. Le numérique organise une proximité de lieu peut-être bien plus facilement que nos formats « classiques ». Nous pouvons nous affranchir de la distance et imaginer de mobiliser davantage des gens aux quatre coins des territoires, permettant ainsi des opportunités nouvelles. Le rayon d’action du Lab devenant par conséquent considérablement élargi et donc enrichi.

De même, la voie des collecticiels (groupware) introduit de nouvelles formes d’organisation du travail. Explorer, imaginer un travail asynchrone des participants permettrait de lever la question de la disponibilité à un moment « t », d’embarquer dans nos collaborations des personnes aux emplois du temps et rythmes de vie variables, de fracturer une tendance à l’entre-soi des participations liée à la disponibilité professionnelle et aux « cadres de l’emploi ».

Sprint créatif réalisé sur Mural lors du confinement

Du Lab aux territoires lab…innover partout !

L’implantation d’un Lab est une question complexe pour les organisations, encore davantage pour une collectivité territoriale. Au sein même de l’organisation, dans le bâtiment « mère », sur le territoire, pour renforcer des collaborations, proche d’une concentration d’acteurs des industries créatives, entrepreneuriales, universitaires… ? Cette question épineuse est-elle si importante ? L’innovation doit-elle être confinée à des territoires dédiés ?

Depuis de nombreuses années, ERASME conduit des sprints « hors les murs », afin de transformer un lieu en laboratoire temporaire d’innovation et afin de dessiner les usages futurs. Dans un collège (EduMix) dans une gare (GareRemix), dans une Maison de la Métropole (MDM Remix), dans un musée (MuseoMix), … Un Lab in situ, à l’intérieur même de « l’objet » transformé, ré-imaginé, interrogé. Cette démarche décentre le processus d’innovation pour l’ancrer dans le concret. La virtualisation du Lab pourrait conduire à un état permanent du « hors les murs », permettant, par exemple, à des « micro-Labs » de perdurer après ces événements.

Exemple de lab "hors les murs" - Garemix (d’autres photos)

Autre piste. Depuis quelques mois, nous avons par exemple prototypé un mobilier, permettant de se mettre en condition de créativité et de collaboration. Ce mobilier modulaire, adapté à des phases d’inspiration, de brainstorming, de prototypage, de restitution-médiation, a aussi l’avantage d’être compactable et facilement déplaçable. Reste à imaginer une intégration numérique qui permettrait d’en faire un véritable Lab pop-up à « plugger » là où une communauté et une intention d’innover se forme ou existe.

La communauté, faire communauté, dans toute sa diversité et complémentarité, ponctuellement ou durablement, est une condition sine qua non de l’innovation ouverte.
Entretenir, enrichir et animer ces communautés demande un travail permanent. Là aussi, certains outils numériques seront à explorer. On peut citer Steeple ou NéoBrain comme des outils inspirants à réinterpréter… En incubation chez ERASME, Antoine Josnin explore depuis plusieurs mois ces pistes d’outil physital pouvant participer à la visualisation et l’animation de communautés… Ces pistes pourront certainement trouver leur place dans un Lab virtuel.

Au final, loin du 100% virtuel, nos perspectives sont de coupler deux modes de propulsion au Lab… L’enjeu est l’hybridation du Lab, combinant Lieu et Virtualisation.
Plusieurs bénéfices peuvent être espérés. Tout d’abord, virtualiser le Lab c’est augmenter ponctuellement sa capacité de résilience face à de nouvelles crises sanitaires, mais c’est aussi quotidiennement, limiter les déplacements face à l’impératif écologique.
De plus, la crise traversée a fait ressentir le besoin de décentralisation, et dans ce domaine les acteurs de l’innovation doivent aussi s’interroger sur ce que cela change.
Enfin, la proximité voire la micro proximité s’érige en modèle, en maillon fort de l’organisation sociale et économique. Là aussi l’hybridation du Lab offre un nouveau terrain de jeu.

Documents :

par Paul Lapeze, David Parent